L'article analyse l'action et les relations qu’on observe dans des oeuvres d’artistes contemporaines qui mettent en scène des corps de « femmes du passé »: corps médicalisés, contrôlés ou punis. Ces œuvres « foucaultiènnes » évoquent presque littéralement les actions qui, dans la modernité, ont fait du corps des femmes un objet privilégié de la clinique médicale, du regard et de la punition. Avec un emploi renversé des moyens de la médicine et du contrôle social, ces artistes témoignent l’ordre aseptique d'un regard classifiant et restituent une iper-réelle généalogie `visuelle' des corps de genre contrôlés, dissectionés, punis. Je considère en particulier des œuvres réalisées pendant les années ‘80 et '90 par trois artistes: la photographe Cindy Sherman et la sculptrice Kiki Smith – américaines - la performer et video-maker Ann-Sofi Siden, Suédoise. Des images-photos réalisées de Cindy Sherman sur la masquerade du féminin et performées par elle-même, j’analyserai deux séries de photos : celles qui s'inspirent à l'iconographie hystérique de la Salpetrière et celles qui représentent des scènes de délits où la victime est une femme. Dans les premières photos Sherman va performer la re-mise en scène hystérique, avec les mêmes attitudes corporelles, en évoquant soi l'ambivalence du jeu entre médecin photographe et hystérique, soi le rôle joué par la photographie médicale dans le classement mécanique des corps souffrants ; dans les photos des « scènes du délit » la photographie va reproduire le stéréotype iconographique de la victime « idéale ». Ann-Sofi Siden, intéressée à analyser les acharnements du contrôle social sur les corps quotidiens, a récupéré des documents sur des procès contre des femmes « déviantes » du Moyen âge au dix-neuvième siècle (Codex 1993-2005) et met en scène une galerie de photos avec des re-constructions de corps de femmes, en positions d’atroces, cruelles ou bizarres punitions corporelles ou de tortures. Elle anticipe, avec ces « figurisme » du passé, la mise en vue médiatique de récentes images de torture. Kiki Smith, enfin, avec l’emploie de techniques du dix-huitième siècle d'anatomie plastique et de musée des cires, construit des sculptures narratives et adopte en manière paradoxale et provocatrice « le discours médical » d'observation et de dissection des corps. Ses dessines anatomiques et ses sculptures des années '80 privilégient les parties, l’intérieur du corps humain, ses structures cellulaires, explorées comme s’elles étaient des mondes autonomes, accomplies et libérées de personnalité individuelle. Kiki « Frankenstein » crée et représente des fragments a-specifiques de corps, en sortant des canons traditionnels de l'histoire de l'art : comme Ribcage (Cage thoracique, 1987), Womb (Utérus, 1986), Second Choice (Second Choix, 1987 où des organes internes sont disposés sur un plat, à dénoncer le trafic d'organes humains) -. Ces oeuvres avec leur réalisme forcé et ambiguë suggèrent des réflexions et posent des questions à plusieurs niveaux: sur la de-spectacularisation et le cachement contemporaine du corps féminin quand il est contrôlé, battu et mutilé, sur le rôle constitutif des corps qui dans la modernité était déroulé par « les grandes disciplines » et qui est aujourd'hui mis en scène par les médias et par les technologies du contrôle, jusqu'à la perte d'unité corporelle, dont Frankenstein depuis longtemps est devenu l’allégorie: le corps-puzzle fait de pièces et de fragments
Le corps qui vient du passé. Entre clinique, discipline et art contemporain
TRASFORINI, Maria Antonietta
2013
Abstract
L'article analyse l'action et les relations qu’on observe dans des oeuvres d’artistes contemporaines qui mettent en scène des corps de « femmes du passé »: corps médicalisés, contrôlés ou punis. Ces œuvres « foucaultiènnes » évoquent presque littéralement les actions qui, dans la modernité, ont fait du corps des femmes un objet privilégié de la clinique médicale, du regard et de la punition. Avec un emploi renversé des moyens de la médicine et du contrôle social, ces artistes témoignent l’ordre aseptique d'un regard classifiant et restituent une iper-réelle généalogie `visuelle' des corps de genre contrôlés, dissectionés, punis. Je considère en particulier des œuvres réalisées pendant les années ‘80 et '90 par trois artistes: la photographe Cindy Sherman et la sculptrice Kiki Smith – américaines - la performer et video-maker Ann-Sofi Siden, Suédoise. Des images-photos réalisées de Cindy Sherman sur la masquerade du féminin et performées par elle-même, j’analyserai deux séries de photos : celles qui s'inspirent à l'iconographie hystérique de la Salpetrière et celles qui représentent des scènes de délits où la victime est une femme. Dans les premières photos Sherman va performer la re-mise en scène hystérique, avec les mêmes attitudes corporelles, en évoquant soi l'ambivalence du jeu entre médecin photographe et hystérique, soi le rôle joué par la photographie médicale dans le classement mécanique des corps souffrants ; dans les photos des « scènes du délit » la photographie va reproduire le stéréotype iconographique de la victime « idéale ». Ann-Sofi Siden, intéressée à analyser les acharnements du contrôle social sur les corps quotidiens, a récupéré des documents sur des procès contre des femmes « déviantes » du Moyen âge au dix-neuvième siècle (Codex 1993-2005) et met en scène une galerie de photos avec des re-constructions de corps de femmes, en positions d’atroces, cruelles ou bizarres punitions corporelles ou de tortures. Elle anticipe, avec ces « figurisme » du passé, la mise en vue médiatique de récentes images de torture. Kiki Smith, enfin, avec l’emploie de techniques du dix-huitième siècle d'anatomie plastique et de musée des cires, construit des sculptures narratives et adopte en manière paradoxale et provocatrice « le discours médical » d'observation et de dissection des corps. Ses dessines anatomiques et ses sculptures des années '80 privilégient les parties, l’intérieur du corps humain, ses structures cellulaires, explorées comme s’elles étaient des mondes autonomes, accomplies et libérées de personnalité individuelle. Kiki « Frankenstein » crée et représente des fragments a-specifiques de corps, en sortant des canons traditionnels de l'histoire de l'art : comme Ribcage (Cage thoracique, 1987), Womb (Utérus, 1986), Second Choice (Second Choix, 1987 où des organes internes sont disposés sur un plat, à dénoncer le trafic d'organes humains) -. Ces oeuvres avec leur réalisme forcé et ambiguë suggèrent des réflexions et posent des questions à plusieurs niveaux: sur la de-spectacularisation et le cachement contemporaine du corps féminin quand il est contrôlé, battu et mutilé, sur le rôle constitutif des corps qui dans la modernité était déroulé par « les grandes disciplines » et qui est aujourd'hui mis en scène par les médias et par les technologies du contrôle, jusqu'à la perte d'unité corporelle, dont Frankenstein depuis longtemps est devenu l’allégorie: le corps-puzzle fait de pièces et de fragmentsI documenti in SFERA sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.